Île de la Réunion : Un cacao sauvage oublié

L'histoire de notre tablette 70% Île de La Réunion est celle d'un trésor oublié et insoupçonné. Cette histoire vous paraitra peut-être inventée, enjolivée, surréaliste. Il n'en est rien. Elle est juste belle et nous prouve que le trésor est souvent juste à côté de nous. A qui veut bien sortir des sentiers battus ! Juste au détour d'un virage, dans un vallon luxuriant, encaissé, à côté d'une magnifique cascade.

 

Une origine encore non déterminée

Comment sont arrivés les premiers cacaoyers sur l'île de La Réunion ? La réponse à cette question fait toujours l'objet de recherches bibliographiques et scientifiques (analyses et comparaison de la génétique des arbres). Une chose est certaine, il n'est pas natif de la Réunion ! Comme en Asie, Afrique et dans les Caraïbes, les cacaoyers ont été importés par les colons (Français, Espagnoles, Portugais, Néerlandais) à des époques différentes depuis l'Amérique Centrale d'où le cacaoyer est natif. Certains arbres ont pu subir des hybridations naturelles lors de ces voyages. Cela a provoqué l'apparition de nouvelles familles de cacaoyers et la disparition progressive de l'arbre originel, le criollo. Le criollo représente ainsi aujourd'hui envrion 5% de la production mondiale.

Les cacaoyers de ce vallon perdu auraient donc été importés sur l'île au milieu du XVIIIème siècle. En 1759, Joseph-François Charpentier de Cossigny explorateur et botaniste français, remet au botaniste Aublet des plants venant de Pondichéry mais originaires de Manille initialement. Aublet les entretiendra à l’île Maurice sans faire suivre à La Réunion. Ce n’est qu’en 1772, que l’on recense un premier témoignage de la part de Bory de Saint Vincent d’une culture de cacaoyers à partir de plants provenant de l’île Maurice : cette culture est celle de Joseph Hubert, un scientifique, savant réunionnais, botaniste et naturaliste, au Boudoir.(1)

Et avant Manille ? Les chercheurs travaillent toujours à retracer la route de ce cacao… Est-il passé par l’Indonésie avant ? Vient-il directement ou pas du Mexique ? Le mystère demeure ! 

 

Une production très vite stoppée

 La culture, à peine démarrée, a été rapidement abandonnée au profit de produits plus rentables comme le café. Une cinquantaine d'années plus tard, le café subira le même sort et disparaitra pratiquement au profit de la culture de la canne sucre. En effet, en 1801, la France perd Saint Domingue (actuel Haïti) qui lui fournissait le sucre de canne. La Réunion est contrainte de se tourner alors massivement vers la production de la canne à sucre. Là aussi, un trésor réunionnais parviendra à traverser les âges. Il s'agit du café Bourbon pointu, un des plus rares et fins au monde. Il est également le plus cher (environ 400€ / kg, entre 10€ et 20€ la tasse) mais c'est une autre histoire passionnante ;)

 

 

Cacao Péi : Un beau projet...un peu fou !

C'est en 2015 que Simon et Hubert découvrent cette plantation oubliée dans le nord de l'Île de La Réunion. Les fèves sont totalement blanches quand on les coupe...c'est donc du criollo !

Le CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) (2) ayant un bureau à Saint-Pierre dans le sud, analyse alors ce cacao et découvre qu'il est parmi les criollos les plus purs au monde. En étant isolée sur l’île, la génétique de cette espèce a été extrêmement bien conservée avec une hybridation naturelle quasiment inexistante !

Simon et Hubert se mettent alors en tête de relancer une filière cacao sur l'île et créent l'association Cacao Péi. Au cœur du projet, la relance de plusieurs petites plantations, en bio et agroforesterie, chez des agriculteurs locaux à partir des fèves de ces cacaoyers très rares. Valoriser un produit d’exception, participer à la nécessaire diversification agricole de l’île, palier les risques liés à la monoculture de la canne à sucre et créer de nouveaux emplois sont aujourd’hui les principaux bénéfices visés.

Ce projet est un peu fou pour plusieurs raisons :

· le cacaoyer criollo est très sensible aux maladies et aux aléas climatiques (nombreux à la Réunion)

· un jeune cacaoyer ne donnera des cabosses qu'au bout de 4 à 5 ans s'il est heureux !

· Le prix de vente final sera nécessairement un des plus élevés au monde

Sur ce dernier point, il important de bien comprendre la réalité du marché mondial du cacao. Partout dans le monde, la récolte et l’écabossage se font entièrement à la main. Le coût de la main d’œuvre impacte donc fortement le prix de vente du cacao.

Quant à Madagascar, pays voisin qui est à quelques centaines de km en bateau, le salaire minimum mensuel est d'environ 50€, à La Réunion il est à 1521€ / mois (3) soit un rapport de 30. Cette disparité reflète les inégalités auxquelles le monde du cacao est confronté.

De notre coté, nous nous battons pour qu’il y ait une meilleure rémunération et une meilleure reconnaissance du savoir-faire des producteurs. Nous payons ainsi environ 7500€ la tonne de notre cacao de Madagascar Akesson's Organic (environ 3 fois le cours de la bourse) (4). C’est un cacao d’une qualité exceptionnelle qui est un mélange de trinitario et de criollo poussant sur la même plantation. Les cacaos les plus chers que nous achetons ont des prix qui peuvent atteindre 16 000€ la tonne et viennent de pays où le salaire minimum est similaire à celui de Madagascar.

Alors quel prix faut-il donc donner à ce cacao Réunionnais ?

Celui d'un produit très rare, d’un produit d'exception. Mais surtout un prix qui permettrait à la filière d'être pérenne !

 

Seulement quelques dizaines de kilos récoltés par an

Ainsi laissés à l’abandon depuis plusieurs centaines d’années, les arbres ont grandi cachés sous des manguiers gigantesques. Alors qu’un cacaoyer entretenu fait normalement 4 à 5 m de haut, ceux-là font parfois jusqu’à 10m ! La conséquence de l’âge et de cette taille hors norme est qu’ils ne produisent que très peu de cabosses (20 à 30 par an contre plusieurs centaines normalement)

Seuls Simon, Hubert et Bill de l’association se rendent dans la plantation sauvage afin de récolter les cabosses à la main. En mai 2019, nous nous sommes rendus sur place (en famille toujours !) afin de participer à la récolte. Un moment magique, avec des moustiques tout de même ;)

L’étape qui suit la récolte, à savoir la fermentation, est une étape cruciale qui demande une grande rigueur. Maîtriser cette étape du process post-récolte, c’est se distinguer des autres producteurs. C’est faire de son cacao, un cacao d’exception. C’est pendant cette étape que l’astringence va disparaître et que les précurseurs d’arômes vont pouvoir se développer. Ces mêmes précurseurs d’arômes seront transformés en véritables arômes pendant la torréfaction sans que les nutriments ne soient détériorés.

 

En pratique, on considère qu’une bonne fermentation peut avoir lieu avec un minimum de 100kg de fèves. Et avec 10kg seulement ?! C’est beaucoup plus compliqué ! Bill a donc conçu des mini fermenteurs en bois qu’il scrute comme le lait sur le feu lorsque des fèves fraiches sont à l'intérieur, mesurant la température très régulièrement. Simon, Hubert et Bill sont ainsi parvenus à fermenter des lots de seulement 5 à 10kg. Une première dans le monde. Ce sont ces fèves que nous vous proposons aujourd’hui.

 

 

 

Pourquoi un prix aussi élevé pour une tablette ?

Une fois les 2-3 kilos de cacao réceptionnés, tout commence chez nous, chez Encuentro, à Lille. Nous allons consacrer pratiquement autant de temps à transformer et produire quelques kilos de chocolat de La Réunion qu’à produire un lot de 60kg de nos autres origines. Nous parlons ici des étapes de tri, de torréfaction, de broyage, de conchage et de maturation. Après tempérage, le moulage des tablettes se fera une par une car le chocolat doit rapidement être travaillé du fait de sa viscosité. Et oui, travailler sans beurre ajouté et sans lécithine complique également le travail ici !

Au final, la production de 20 tablettes Cacao Péi nous demande autant de temps que la production de 200 tablettes d’une de nos autres origines.

 

Nous avons donc décidé de vendre cette tablette au prix de 30€. C’est un prix certainement jamais vu pour une tablette de chocolat, mais c’est un prix juste si l’on prend en compte la complexité de la récolte et de la fermentation du cacao, ainsi que celle de la fabrication du chocolat. Ce prix est pourtant toujours en deçà du prix auquel nous devrions la vendre aujourd’hui. Nous prenons en compte le fait qu’une production plus conséquente (une centaine de kilo sera disponible d’ici 2-3 ans). Nous pourrons alors fabriquer le chocolat par lot de 30 à 50 kilos et mouler les tablettes grâce à nos tempéreuses.

 

Mais cette tablette en vaut la chandelle ?

Oui ! La dégustation de ce chocolat est une expérience à part entière. Il ne ressemblera à aucun chocolat que vous avez pu gouter avant. Visuellement et gustativement il vous fera penser à du chocolat au lait avec une allonge sur des notes de noisettes grillées, de caramel. Mais avant ça, vous serez surpris par l’attaque très épicée (notes de poivre, de pain d’épice), parfois florale de ce chocolat.

Une grande complexité à l'état brut !

 

 

Ce projet, son histoire nous passionnent. Au-delà même du chocolat que nous produisons. Depuis maintenant un an, nous avons décidé de nous engager sur le long terme aux côtés de l’association Cacao Péi afin de leur apporter notre aide et notre expertise de fabricant de chocolat.

Il y a tout à faire, tout à construire dans les années qui viennent pour un jour pouvoir parler d’une véritable filière cacao à La Réunion. Nous espérons pouvoir écrire, d’ici quelques années, un autre article à ce sujet !

 

Merci encore à vous tous de nous suivre dans nos aventures et de déguster nos chocolats ! 

A très bientôt ! 

Candice & Antoine

 

 

(1) https://cacaopei.re/

(2) Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement est l'organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes

(3) http://www.rfi.fr/fr/afrique/20190502-salaire-minimum-augmente-19-madagascar

(4) Cours de bourse du cacao : 2342$ / tonne au 29 avril 2020 (soit 2168€ / tonne)

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