Au cœur de la forêt bolivienne, la récolte de cacao n’a pas eu lieu.

 

“En temps normal, c'est le moment où nous vous écrivons avec des nouvelles passionnantes concernant la saison des récoltes, notre production de cacao et notre date de livraison prévue. Cette année, nous avons au contraire de tristes nouvelles concernant notre récolte. Permettez-nous de partager notre histoire avec vous.”


C’est par ces mots que Casey et Caroline ont commencé leur journal de bord annuel. Chaque année, nous recevons de la part d’Emmoni (le nom de leur projet), le récit de leur quotidien sur place, en Bolivie. Elles achètent du cacao sauvage auprès de récoltants, cela représente environ 200 familles depuis leurs débuts. Deux années seulement après leur lancement, Emmoni, qui signifie Persévérance en grec, remporte l’International Cacao Award 2019 et voit son cacao reconnu comme étant parmi les 20 meilleurs cacaos au monde.  

Si cette histoire vous dit quelque chose, vous nous suivez déjà depuis un certain temps, et on vous en remercie ❤️ Nous vous avions en effet écrit un article en 2018 au sujet de ce cacao d’exception, récolté au sein même de la forêt. Nous y parlions également des premières étapes de notre rencontre avec Casey et Caroline et de la difficulté de travailler ce cacao minuscule, très rare et délicat. Vous pouvez le retrouver ici. (lien)

Ce nouvel article vient le compléter, avec la vision de Casey avec qui nous avons pu discuter suite à cette non-récolte. Vous l’aurez donc compris : nos tablettes de chocolat Bolivie 70 % et 85 % aux arômes de miel floral sont en stock très limité car nous n’avons pas pu acheter de cacao sauvage de Bolivie cette année. Voici pourquoi.

 

Retour à l’état sauvage 

Le cacao de Bolivie avec lequel nous fabriquons nos tablettes de chocolat est rare et sauvage. Contrairement au cacao provenant d’autres origines qui est récolté dans des plantations de cacaoyers, celui-ci pousse depuis des milliers d’années sur des îlots dans la forêt. La région étant sujette aux inondations, les peuples y vivant autrefois ont donc créé des surélévations de terres pour pouvoir planter différentes cultures et élever des animaux.

Le cacao que Casey et Caroline achètent aux locaux provient de ces arbres millénaires, qui ne reçoivent aucune aide de l’humain pour pousser ou se reproduire. On doit leur existence à la nature et aux animaux qui s’occupent de leur propagation. Là-bas, la culture du cacao est présente depuis toujours : les habitants entrent dans cette forêt, naviguent par les canaux, chassent et cueillent sur ces îlots. Au sein de ces familles, on fabrique parfois du chocolat avec les fèves de cacao, totalement artisanalement. Malgré la modernité et leur mode de vie actuel, les habitants des alentours bravent les pluies torrentielles et les moustiques féroces pour profiter de ces ressources suivant la tradition ancestrale. 

Casey dit à ce sujet : “on ne parle pas de rendement par hectare, ce n'est pas précis car c’est du cacao sauvage. En revanche, ce dont je peux parler c’est le nombre de personnes, de familles, que je rencontre et avec qui je travaille. Je peux dire le nombre de personnes que l’on aide, leurs noms et prénoms, le nombre de kilos qu’on leur achète directement à la sortie de la forêt. On les attend avec la balance pour peser leur récolte, de l'argent pour les payer de suite et des boissons pour partager un moment ensemble.”


Un triangle sans hiérarchie, pas une pyramide 

“On travaille un produit de la nature, c’est pas l’Homme ou la main de l’Homme qui en décide. On ne définit pas la récolte nous-même. La quantité est limitée, et le nombre de clients auquel nous pouvons fournir ce cacao l’est d’autant plus. Notre monde à nous c’est les familles de récoltants et quelques chocolatiers Bean to bar. Chacun a besoin de l’autre. C’est un triangle sans hiérarchie, pas une pyramide.” ajoute Casey lors de notre échange il y a quelques jours. 

La réalité du terrain, Casey sait en parler mieux que personne. Elle discute, ne négocie pas avec les récoltants. Leurs relations durent toute l’année, avant et pendant la récolte. Le prix est d’ailleurs fixé en amont avec les familles. Cette proximité lui permet de sélectionner un cacao d’une grande qualité. Les étapes post récolte, elle s’en charge avec Caroline : fermentation, séchage, tri. Tout se passe à l’Estancia familiale où un petit centre de fermentation et de séchage a été élaboré en 2016 avec l’aide de Michel Barel, un des plus grands experts du cacao français, aujourd’hui retraité du CIRAD.

 

La fermentation dure de 4 à 7 jours et le séchage autour de 7 jours. Hors saison, Casey et Caroline retournent voir les familles et leur offrent le produit fini : du chocolat. Ils connaissent déjà ce goût, celui que leur grand-mère pouvait leur faire dans la pure tradition. Grâce à la sélection pointue d’Emmoni et au savoir-faire d’artisans chocolatiers comme Encuentro, ils peuvent découvrir toute la richesse aromatique de leur fèves de cacao. Après cela, rien ne dit qu’ils feront à nouveau affaire la saison prochaine.

Casey met un point d’honneur à cette indépendance, gardienne d’une relation commerciale saine entre eux. La vie sur le terrain, c’est aussi rester injoignable pendant plusieurs semaines : il n’est  d’ailleurs pas rare que nous ne parvenions plus à contacter Casey. C’est généralement le moment où elle se rend dans la jungle bolivienne pour préparer la future récolte. Il faut bien comprendre que l’estancia de Casey se trouve à 1000 km de la capitale, 4000 mètres plus bas que La Paz, vers la frontière brésilienne et sa forêt amazonienne. Regardez la carte vous comprendrez ce que le mot “isolé” veut dire :)
La saison des récoltes s'étend de mi décembre à mi février, selon les endroits de la forêt. Les quantités d’eau définissent la durée de la récolte.Malheureusement cette année, il en fut autrement.


D’importantes sécheresses, une floraison tardive et de faibles quantités

Cet été, nous recevons un message de Casey. Elle nous partage un document de plusieurs pages, avec des photos et des récits de leur année passée sur le terrain. Normalement, à cette période de l’année, c’est le moment pour Emmoni de contacter leurs clients, les chocolatiers Bean to bar, dont Encuentro, pour leur communiquer la quantité de cacao disponible à la vente. Qui dit cacao sauvage, dit cacao rare et donc quantité limitée. L’année précédente, nous avions pu en avoir 175 kilos. Comme le résume si bien Casey : “Les chocolatiers sont des vrais partenaires pour nous, ils comprennent les contraintes liées aux récoltes. Travailler nos fèves leur amène les mêmes contraintes. C’est la qualité qui vient combler ces aléas de quantité.”

 

En décembre 2022, le mois où débute normalement la récolte, la sécheresse durait depuis déjà 6 mois. Au mieux, Emmoni et les familles de récoltants pouvaient espérer un retard dans le début de la récolte. Or, pour les récoltants, l’absence de cabosses, c’est l'absence de travail et donc de revenu. Attendre que la pluie arrive n’est donc pas une option pour eux. En l’absence de pluie, chaque arbre produit moins de cabosses. Les récoltants doivent donc parcourir des distances toujours plus grandes dans la jungle pour espérer en trouver.  Emmoni leur propose alors une augmentation de 10 % du prix pour les encourager à récolter du cacao.

En janvier, la situation ne s’améliorant pas, les récoltants ont dû chercher une source de revenu ailleurs : les cabosses ont séché, les fleurs ont fleuri tardivement. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’il faut un minimum de 150 kg de fèves fraîches pour  lancer une fermentation correcte sans quoi les fèves ne développeront pas leurs arômes délicats.. Au final, elles ne disposent que de 14 kilos : 4 sacs de fèves noircies, germées ou trop vertes. 


Dans leur journal de bord qui nous a été partagé, elles écrivent : “Fin mai, nous avons été confrontées à la triste réalité : il serait impossible de produire et de livrer du cacao cette année.” Casey revient sur ce moment lors de notre échange téléphonique et précise “après le deuxième test de fermentation au mois de mars, on a pris la décision de ne pas vendre car ce n’était pas de la qualité. On ne fait pas de compromis ou de sacrifices, on ne se met pas en péril pour vendre à tout prix. C’était un choix difficile mais logique.

Les tablettes de chocolat Bolivie 70 % et 85 % que vous pouvez acheter sur notre site, nos boutiques et chez nos partenaires sont toujours faites avec la récolte de cacao de l’année précédente, en ce moment la récolte 2022. Une fois la récolte, fermentation et séchage terminés, le voyage est en effet long jusqu’à notre manufacture ! Généralement 6 à 9 mois avant de recevoir les petits sacs. Lorsqu’elles seront toutes vendues (et mangées !), il faudra donc attendre l’été 2024 pour recevoir la récolte “2024” qui, on l’espère, se déroulera bien cet hiver, au cœur de la forêt bolivienne. 

 

Un cacao rare et délicat qui nécessite une adaptation de notre fabrication

Ce cacao sauvage de Bolivie demande un travail méticuleux à notre équipe. Les fèves sont extrêmement fragiles et aussi petites que des cacahuètes ! Vous pouvez la voir tout en haut sur la photo ci-après avec en dessous nos autres origines.

A la base de toute fabrication de nos chocolats il y a la fève de cacao. La température de torréfaction, la durée du conchage, et le temps de maturation; les spécifications  de chacune de ces étapes dépendent de chaque origine et sont des choix personnels que nous faisons au cours des tests.

La Bolivie est en tout point très différente de tous les terroirs que nous travaillons. Dans notre conche (meules de granite qui écrasent les fèves), nous mettons habituellement 70 à 80kg de fèves. Pour la Bolivie, nous ne mettons jamais plus de 30 kg du fait de la fragilité de ses arômes. De plus, cette faible quantité implique que la pâte de cacao peut ne pas parvenir à se maintenir en température (autour de 40-45° dans la conche) et durcir sur les parois de la conche jusqu'à bloquer les roues de 50kg. Il faut donc rester sur le qui-vive et surveiller ce cacao comme le lait sur le feu. Un véritable travail d'orfèvre que nous attendons finalement chaque année avec impatience ! 

Une fois toutes les tablettes vendues (celles créées avec 30kg de fèves), nous transformons 30kg autres kilos. Nous ne produisons pas tout d'un coup car nous souhaitons préserver au maximum les arômes de nos tablettes 70% Bolivie. A contrario les fèves de cacao elles, se conservent très bien plusieurs mois, voire années dans leur sacs.

Pour la tablette 85% Bolivie c'est différent, nous procédons à une maturation longue (12 à 18 mois) du chocolat avant de le transformer en tablette. Cela donne encore plus de rondeur et d'équilibre à notre chocolat. 

 Découvrir les tablettes

 

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commentaires

  • Le travail de ces personnes pour nous offrir ce chocolat exceptionnel nous touche très fort.
    Marilyne et Bernard Potelle Saint André

    Potelle le
  • Merci de vos partages sur le dur travail des boliviens dans la forêt…
    Bien cordialement, un client gourmet de chocolat 🍫
    Philippe Motte , Lambersartois.

    Philippe Motte le

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